Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit
Dans un article publié vendredi 21 décembre 2007 dans Le Monde, Gérard Courtois qualifie la dernière série du studio Sakozy de "Plus belle la vie à l'Elysée" (http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3232,36-991827,0.html), et nous livre l'analyse suivante :
"Avec un indéniable sens du spectacle, le chef de l'Etat a donc multiplié les épisodes et les rebondissements, (...). Le seul problème est que nous ne sommes pas dans une série télévisée. Pas davantage dans l'univers artificiel du show-biz ou dans celui de pacotille de la Star'Ac. Mais bien dans la réalité, au sommet de la République française, à la tête de la septième puissance mondiale. Or en quelques mois, Nicolas Sarkozy a transformé la fonction présidentielle plus sûrement que tous ses prédécesseurs et toutes les révisions constitutionnelles depuis près d'un demi-siècle. Il en a fait exploser l'image, la pratique et les valeurs."
Quelle charge ! Et nous sommes sensés penser à la lecture de ce paragraphe : "oui oui, il a raison, c'est une CA-TA-STRO-PHE".
Cela me fait en réalité penser à ces critiques dits cultivés méprisant ce qui est qualifié de culture populaire, au bénéfice d'une prétendue "vraie" culture, une culture d'élite, inaccessible au commun des mortels ou à la ménagère de moins de 50 ans, mais seulement abordable (et encore) pas des spécialistes du genre en cause. Ceux-ci s'en sentent bien entendu grandis, conscients de détenir une science et des codes particuliers, et assimilent le succès commercial d'une oeuvre (télévisuelle, littéraire, théatrale) à sa perversion la plus abjecte.
Gérard Courtois poursuit ainsi :
"L'image (comme le verbe d'ailleurs) se voulait rare, distancée, le plus souvent solennelle, parfois hautaine, voire hiératique. Toujours pénétrée de la différence et de la distinction présidentielles, nimbée des mystères du pouvoir. Elle est devenue permanente, démonstrative, mobile, décoincée, "nature" en quelque sorte, transparente jusqu'à la trivialité, familière jusqu'à la vulgarité, dans une proximité ostensible et volontiers surjouée avec le commun des citoyens."
Au moins ! Voici l'image du président de la République qualifiée de décoincée, de nature, de triviale, de vulgaire... . Un comble : dénonçant cette situation de proximité (qui n'est pas seulement proximité, mais va jusqu'à être "ostensible"), l'auteur procède donc paradoxalement à des présupposés issus de sa propre vision de la volonté présidentielle ("surjouer une proximité ostensible"): question distanciation, nous aurons vu mieux.
Des éléments d'explication de cette position sont tout de même avancés à la suite :
"Dans l'exercice du pouvoir également, tout concourt à abolir les distances : voilà un président qui gouverne comme un chef d'entreprise, sans craindre de rabaisser ses ministres au rang de collaborateurs ou d'exécutants."
Quelle honte en effet : a contrario, le président devrait donc s'abstenir de gouverner comme un chef d'entreprise (sans que l'on nous dise comment il devrait gouverner) et devrait craindre de reléguer (pourquoi "rabaisser" ? pourquoi un terme péjoratif était-il ici nécessaire?) ses ministres au rang de collaborateurs (sans nous dire quel comportement le président devrait adopter vis-à-vis de ses premiers ministres).
"Qui ne fait plus mine d'arbitrer mais décide et tranche de tout et sur tout."
Comment l'auteur peut-il l'affirmer ? Quelle sont ses sources? Le psy du premier ministre ? J'oubliais : quand il s'agit de critiquer l'image ou l'action présidentielle, nul besoin de sources fiables, il suffit que cela fasse méchant et très en colère.
"Qui ne s'abrite plus derrière son équipe mais au contraire s'engage et s'expose jusqu'à l'exhibition. " Je vous l'accorde, ça surprend, nous avions tellement l'habitude du contraire. Le "jusqu'à l'exhibition" était-il nécessaire ?
Tout le contenu de l'article est du même esprit.
Ce qui me conduit à une grande tristesse pour ce chroniqueur, qui doit décidemment avoir une vie bien triste. Qui a dit que la politique et les hautes fonctions de l'Etat se devaient d'être austères, discrètes ? Qui a dit qu'un grand sérieux était indispensable ?
En conclusion, un article plein d'aigreur et de rancoeur, empreint de gravité, à l'heure où des sondés estimaient récemment que les réformes allaient trop vite. Cet article ne m'a inspiré qu'une réflexion générale : monsieur Courtois, cher Caliméro, riez un peu, jouez un peu, et dans un prochain article, essayez de préciser en quoi cette façon de considérer la fonction présidentielle est si méprisable et peu digne d'intérêt.
PS : parions que si notre dame blanche si amusante (la Ségolène) avait été élue, beaucoup moins de chroniqueurs pas très drôles auraient dénoncé une pipolisation lamentable de la vie politique.