Comment réformer la procédure pénale sans dépenser un sou

Publié le par Alliolie

Le budget « Justice » étant en France loin d’être prioritaire, quelles petites mesures pourraient changer beaucoup à un coût zéro ou quasi-zéro ?

 

 

Quelques idées me traversent l’esprit concernant la procédure pénale (terrain de jeu favori des politiques) :

 

 

 

 

** La détention provisoire. On constate trop de détentions provisoires, pendant trop longtemps. Pourquoi ne pas supprimer le motif de « trouble à l’ordre public » ? Il s’agit d’un motif fourre-tout, pas assez « technique » pour une mesure aussi lourde de conséquences, et qui pourrait n’être conservé que pour un placement sous contrôle judiciaire. Et en cas de fuite de l’individu en cause, en contrepartie de la confiance qui lui avait été accordée, ouvrir la possibilité d’un jugement sous contumace, même en matière criminelle (en clair, il n’avait qu’à être là, les droits de la défense comportent aussi des devoirs, et se présenter à l’audience est la moindre des choses).  Réserver la détention provisoire aux suspicions de crime de sang ou d’atteintes à l’intégrité physique ainsi qu’aux actes pédophiles serait probablement, par ailleurs, une bonne chose.

 

 

** La présomption d’innocence. Elle est un mythe, tout le monde s’accorde là-dessus. Et pourtant, je suis gênée par l’expression : présumer l’un innocent est présumer que l’autre partie est coupable au moins d’accuser à tord (quand il y a partie civile). S’en tenir à « l’instruction à charge et à décharge » serait donc déjà une bonne chose. Pourquoi ne pas imposer au juge d’instruction (ou autres enquêteurs) d’effectuer un minimum d’actes (par exemple un) à décharge ? Je ne pense pas qu’imposer au juge d’instruction d’effectuer au moins un acte à décharge, qualifié expressément comme tel, génère de monstrueux coûts, ni un casse-tête insurmontable ou un travail monumental pour ledit juge. Cet acte pourrait, par exemple dans une affaire d’agressions sexuelles, une simple visite du lieu qui serait celui des faits afin de confronter la réalité à la description qui en a été faite par la victime (la contrepartie charge/décharge est ainsi assurée) : la question à se poser face à chaque nouvel élément étant « qu’est-ce qui me convaincrait du contraire ? ». Je ne pense pas les juges d’instruction stupides au point d’éluder cette question ; la plupart font leur travail consciencieusement ; néanmoins, personne n’est à l’abri de ses sentiments, et un pense-bête tel qu’un acte obligatoire à décharge serait peut-être le bienvenu pour ne pas prendre pour argent comptant tout ce que déclare celle qui se dit victime.

 

 

** La partie civile. On le sait, le pénal en France, c’est la société contre un individu qui a porté atteinte à ses valeurs. Admettons. Admettons que le fait que l’on se moque du fait qu’il y ait ou non une partie civile, puisque l’affaire concerne avant tout le ministère public et l’accusé. Pourtant, des victimes, il y en a : on en fait quoi ? Pour atteindre la société, abstraction, on atteint du concret ; s’il y a des victimes, n’ont-elles pas suffisamment souffert des agissements qu’elles dénoncent pour qu’on leur impose en plus l’indifférence des acteurs de la procédure pénale ? Concrètement, à titre d’exemple, pourquoi convoque-t-on à la même heure et surtout au même endroit deux personnes qui vont être confrontées ? Croiser dans le couloir ou aux toilettes celui que l’on va devoir affronter verbalement dans les minutes suivantes n’a rien de réjouissant. Une mesure simple : demander à l’un de se présenter à l’entrée A, à l’autre de se présenter à l’entrée B, à 20 minutes d’intervalle, et les faire entrer séparément, successivement, dans le cabinet d’instruction. La victime préférera toujours attendre un peu plutôt que de se trouver nez à nez avec son agresseur à la machine à café, les débats seront probablement plus « vrais » (car pas de tentative d’intimidation de l’un sur l’autre 5 minutes avant de se trouver face au juge). Ce système de convocation serait aussi, évidemment, bienvenu pour l’audience…

 

 

En outre, que coûterait la possibilité pour la partie civile de faire appel en matière correctionnelle et criminelle ? A-t-on si peu de considération pour elle ? En quoi son appel à elle serait plus abusif que celui d’un individu condamné en première instance ?

 

 

**Les enregistrements audiovisuels. A mon sens, enregistrement des auditions de mineurs et enregistrement des gardes à vue, même combat. Gros budget pour manifester notre manque de confiance en nos officiers de police judiciaire et pour bien peu d’utilité (on tente de faire croire à ces mineurs qu’en étant filmés, ils n’auraient à raconter ce qu’ils ont subi qu’une fois, et tout le monde sait parfaitement qu’il n’en est rien ; quant aux gardes à vue, le fait que certains crimes les plus graves sont dispensés de tournage démontre l’hypocrisie du système, puisque point de film dans les hypothèses où il y a le plus de risques de dérapages). L’idée était louable, mais laissons la télé réalité aux professionnels (vous remarquerez d’ailleurs que la plupart du temps, la qualité du son et de l’image laisse largement à désirer).

 

 

 

 

Tout ceci, ce n’est qu’un premier jet. Je n’ai pas encore bien réfléchi au problème… A suivre.

 

 

Publié dans Droit

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A
@Dadouche<br /> Oh non, le corporatisme auquel je faisais allusion était une boutade, je citais ceux que j'affronte habituellement ey qui m'exaspèrent !!! Ne le prenez surtout pas pour vous (votre participation à ce blog et votre ouverture à la discussion prouvent le contraire !!).Personnellement, j'ai eu la chance de toujours rencontrer des juges (et magistrats en général) extrêmement humains et consciencieux, dans ma vie personnelle et dans le cadre de divers stages. Raison pour laquelle je partage tout à fait votre avis quand vous dites "je ne suis pas moins convaincue qu'elle passe nécessairement par la mise en place, enfin, de conditions de travail décentes pour l'ensemble des acteurs du processus judiciaire, des enquêteurs aux magistrats en passant par les avocats. Et par une réflexion collective sur les pratiques dans ce genre d'affaires. On n'en prend pas le chemin, les vociférations des uns et la réaction de défense des autres ayant mené le débat sur d'autres terrains qui n'apporteront à mon sens rien de bon.". Totalement. Je me souviens d'un stage dans un cabinet d'instruction, où je prenais également "au jeu", à rester à deux heures pas possibles, mais tellement passionée par ce travail. Pour le coup, ce sont ces conditions de travail qui sont inhumaines !! (vous êtes un peu les urgentistes de la justice, avec vos gardes...). Quand je parle de "moyens", je parle du travers consistant à injecter des crédits associés à quelques mesurettes tout en faisant l'économie d'une véritable réflexion de fond ; j'ai l'impression que l'affaire Outreau a paradoxalement empêché cette réflexion. La commission parlementaire ne pouvait se permettre certaines propositions, puisqu'elle était attendue au tournant par la presse et plus largement par l'opinion publique. Je ne suis pas à votre place, mais vous assure que je sais les difficultés pratiques que vous rencontrez, prenant probablement souvent la forme de dilemmes (la Justice vs mon sommeil, ma santé et ma famille). Mes remarques sous cet article n'étaient pas destinées à vous tirer dessus, je n'ai moi-même jamais rencontré de magistrat qui ne faisait pas au mieux avec "les moyens du bord". Ces remarques ne faisaient que commenter ce qui est ressorti du travail de nos politiques (qui eux pour le coup sont bien éloignés des réalités : on ne peut pas leur en vouloir, ils sont pour la plupart enseignants), et qui fleure bon le raffistolage, l'appat... Déception. Votre cri du coeur fait peine à entendre, je vous assure. Je vous parlerai en tant qu'ancienne partie civile, non en tant qu'étudiante, en vous disant que la plupart d'entre nous en sont parfaitement conscients (et ont eu bien de la peine en voyant ce pauvre Burgaud passer à la moulinette)...
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D
@ Aillolie et AugustissimeJe persiste à penser que bon nombre des décisions, comportements ou choix critiqués dans l'affaire d'Outreau ont été dictés ou influencés par la nature de l'affaire et sa médiatisation.Exemple cité par Aillolie sur la visite d'un appartement : - la spécificité du récit des enfants, qui est affecté par la difficulté à se situer dans le temps et l'espace et parfois une tendance à "réinventer" le réel, fait que de nombreux détails matériels peuvent se révéler non conformes à la réalité. Il n'est pas rare, dans des cas où les adultes accusés reconnaissent les faits tout au long de la procédure, qu'ils les décrivent d'une façon assez différente de celle de leurs petits accusateurs, y compris sur le lieu, le moment des faits ou les personnes présentes. La vérification de la conformation d'un lieu perd alors de sa pertinence.Ajoutez à celà que le moindre mouvement hors du palais dans une affaire aussi médiatisée devient particulièrement complexe. Et la difficulté d'aller tout au fond des choses quand on instruit un dossier aussi lourd alors qu'on en a par ailleurs une centaine d'autres.Je ne dis pas qu'il est normal de ne pas procéder à cette vérification, mais je pense véritablement que le choix de ne pas y procéder est largement influencé par la nature de l'affaire et le manque de moyens et ne révèle pas une volonté de nuire aux droits de la défense ou de refuser d'instruire à décharge.L'utilisation des expertises psychologiques dans cette affaire découle également de ces spécificités.On pourra modifier tout ce qu'on veut dans la procédure pénale, ce type de problèmes se posera toujours dans ce type d'affaires, si on fait l'économie d'une véritable réflexion sur ces spécificités qui ne peuvent être niées. Si on instruit ces dossiers en tenant trop compte de la spécificité de la parole de l'enfant, en se laissant emporter par l'émotion que soulève toujours, même chez le plus expérimenté, ce type de faits, en prenant davantage de précautions pour ne pas traumatiser davantage les victimes supposées, on prend le risque d'aboutir à Outreau.Si on les instruit comme les dossiers de braquage ou de trafic de stups, en cherchant à tout prix une concordance absolue entre le récit et les vérifications matérielles, en essayant de s'abstraire de la compassion particulière que suscite un enfant victime, on risque de passer à côté dans bien des cas.La société, dans laquelle les magistrats évoluent comme les autres, envoie des signes très contradictoires sur ce qui lui paraît le moins inacceptable dans cette alternative. Et il est difficile de mettre en oeuvre une troisième voie médiane dans l'état actuel des moyens dont dispose la justice.Le temps donne de la sérénité et du recul, permet un travail plus approfondi. Et il faut aussi que l'institution judiciaire s'interroge sur son fonctionnement dans ce type de dossiers. En emmenant le débat et en l'attaquant sur d'autres questions, on ne lui en a pas laissé la possibilité.Sur le rôle de la partie civile :Que cela vous heurte, je peux le comprendre, mais la procédure pénale est quand même centrée sur celui qui est accusé d'avoir commis une infraction. La présomption d'innocence n'est pas une présomption de mensonge de la victime mais la règle qui fixe de quel côté doit pencher la balance quand il y a un doute.Si l'action civile se résumait à la question de l'indemnisation, il y aurait, comme aux Etats-Unis, des procés séparés sur l'action publique et sur l'action civile. Ce n'est pas le cas en France, car notre procédure justement accorde une place importante à la victime (tout en garantissant le droit de la société de poursuivre les comportements contraire à ses intérêts y compris si la victime ne le souhaite pas).Reconnaître un droit d'appel à la partie civile sur la décision au fond (c'est possible en cas de non lieu) supposerait aussi un droit d'appel y compris en cas de condamnation si le quantum de la peine paraît insuffisant. Cela heurterait à mon sens les principes juridiques en lui donnant le droit d'intervenir dans une action qu'elle n'a pas mise en oeuvre.Ca nous rapprocherait d'une forme de vengeance privée qui ne me paraît pas souhaitable.De plus, en pratique, quand il y a relaxe ou acquittement, si le parquet ne décide pas immédiatement de lui même de faire appel, la partie civile ou son avocat intervient souvent en ce sens, y compris auprès du parquet général quand le délai d'appel du procureur de la république est passé. Ca ne force pas le parquet à faire appel, mais ça incite à la réflexion et il en est tenu compte.
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A
@DadoucheA lire votre témoignage, on ne doute pas un instant de votre sérieux et de la difficulté qu'il y a un instruire des affaires de moeurs complexes.En revanche, je ne peux vraiment pas vous suivre sur votre diagnostic d'Outreau qui serait la conséquence (1) d'un problème de moyen (2) d'un usage abusif de la détention provisoire (3) de pratiques à améliorer dans le domaine des affaires de moeurs.Il me semble bien pourtant que, dans le cadre d'Outreau, les expertises ont été pilotées de manière catastrophiques, que l'instruction n'a pas été équilibrée (comme le remarque Alliolie), que la sincérité des PV d'audition a été sérieusement mise en cause, ...J'ai beau vous lire et vous relire, je ne comprends pas ce que vous pensez souhaitable concrètement pour lever le risque d'un nouvel Outreau dont rien n'indique pourtant qu'il était inévitable. Une profession se grandit à se remettre en cause : si vous ne souscrivez pas aux propositions du gouvernement, que proposez-vous ?Partant du principe que la justice n'a pas d'obligations de résultats mais doit avoir de fortes obligations de moyens et que le professionalisme de ses acteurs doit être irréprochable, je vous livre mon analyse personnelle de la situation.Responsabilité des magistrats : Qu'une nouvelle faute soit créée ou non, il est impératif que la responsabilité personnelle des magistrats soit renforcée et plus fréquemment mise en cause. Une instance d'appel ne corrigera jamais le mauvais travail en amont d'un juge d'instruction. S'il a instruit de manière déséquilibrée et non professionnelle, il induira toujours mécaniquement de mauvaises analyses du juge des libertés. Un juge d'instruction doit instruire de manière équilibrée et professionnelle, il doit explorer toutes les pistes, il doit faire les confrontations et expertises opportunes et lorsqu'il commet de graves négligences il doit être sanctionné. Comme tout professionnel.Enregistrement des auditions : C'est une mesure qui me paraît tellement évidente que j'ai du mal à comprendre que cela pose autant question. Il faut filmer les interpellations (comme aux Etats-Unis), il faut filmer les gardes à vue, il faut filmer les auditions. A l'heure où n'importe quel délinquant capture sur son téléphone portable son "happy slapping" comment expliquer qu'il faut des décennies à la justice pour s'équiper, qu'il faut préserver le travail du greffier et qu'on peut s'économiser une mesure qui permettrait pourtant d'éviter la plupart des contestations ultérieures ?Appel des relaxes : Tout à fait d'accord avec Alliolie, il est absolument anormal que la victime ne puisse pas contester un non-lieu. Pourquoi serait-ce un des seuls domaines pour lequel il n'y a qu'un degré de juridiction ? Une victime sans procès c'est à peine mieux qu'un innocent condamné.Détention provisoire : J'ai du mal à comprendre qu'on puisse se trouver en détention provisoire pour éviter un "trouble à l'ordre public". La détention provisoire doit servir à préserver l'enquête ou à éviter la récidive. Mettre un innocent en prison parce que des crétins pourraient manifester violemment contre son maintien en liberté, c'est le monde à l'envers. C'est aux pouvoirs publics de maintenir l'ordre en garantissant la liberté individuelle... et non pas en emprisonnant les sources potentielles de trouble.
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A
@ DadoucheJ'entend bien vos arguments, mais précisément ma force (je crois, j'espère) est d'avoir un regard neuf sur ce que je découvre en cours, mais pas tout à neuf l'ayant vécu. Ce regard-là est différent de celui du professionnel, qui tombe probablement dans une forme de routine et court le risque de la certitude et de la technicité, se croyant pétri d'expérience (pour caricaturer : "j'ai le nez, lui il ment").Et il me semble que "poursuivre" le débat n'est pas nécessairement le faire avancer. Passons. Je ne confond pas instruire à charge et à décharge et faire des actes à charge/des actes à décharge ; simplement, à titre d'exemple pour reprendre Outreau, effectuer une visite de l'appartement désigné par les enfants comme pouvant contenir plusieurs adultes aurait permis de démontrer que cela était matériellement impossible. Je suis d'accord avec vous : le juge d'instruction effectue un acte, et voit ce que ça donne. Le souci (est-ce dû aussi au manque de temps ?) est qu'il y en a, je crois, davantage ayant l'objet implicite de corroborer les dires de la prétendue victime plutôt que de constater, éventuellement, que ces dires pourraient être loin de la vérité. (Et pourtant, je parle en tant qu'ancienne partie civile...)Quant à la place de la partie civile justement, je fais parfaitement la distinction entre action publique et action civile. Mais croyez moi, mes dommages et intérêts (j'avoue, 25000 euros), je m'en fous complètement. Et m'interrogeant sur le terrain des principes, à quoi sert de sanctionner une "atteinte à des valeurs de la société" si celui par lequel ces atteintes se sont manifestées (la victime) ne dispose pas de tous les moyens pour démontrer ces atteintes ? Pourquoi n'y a-t-il pas de double degré de juridiction pour la première concernée ??? En un mot, je trouve la procédure pénale décourageante du point de vue de la partie civile. Oui, la présomption d'innoncence est relative à la charge de la preuve (je sais encore ce qu'est une présomption, merci ). Donc, pour résumer : la partie civile a le droit d'apporter des preuves (et tant pis pour sa tronche s'il y en a peu parce que les faits sont anciens, elle n'avait qu'à l'ouvrir plus tot), de fermer sa gueule si son agresseur est acquitté/relaxé, et de toucher des sous si malgré tout elle est parvenue à susciter un peu de pitié chez le "corporatisme magistrat". Malheureusement, je ne plaisante qu'à peine.
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D
Je crois qu'il y a un malentendu fondamental sur la présomption d'innocence.Ce n'est ni un mythe ni un mantra qu'on se répète en permanence pour faire "comme si" un mis en examen qui reconnaît les faits ou qui a été pris en flag n'avait rien fait.C'est tout bêtement une règle de charge de la preuve : c'est la culpabilité, et pas l'innocence, qui doit être prouvée. C'est pourquoi le doute doit toujours profiter à l'accusé.De ce principe fondateur découlent un certain nombre de règles, qui partent du principe qu'il faut de sérieuses raisons pour appliquer certaines privaitons de liberté en principe réservées aux coupables(notamment la détention provisoire) à quelqu'un qui n'a pas encore été déclaré comme tel par une juridiction de jugement.L'expression "instruire à charge et à décharge" ne peut pas se réduire à "faire des actes à charge et faire des actes à décharge". Aucun acte n'est à charge ou à décharge. Les actes d'instruction sont les actes qui concourent à la manifestation de la vérité. Quand on vérifie un alibi, on ne sait pas ce que ça va donner. Instruire à charge et à décharge signifie en réalité ne négliger aucun fait et tenir compte dans la décision finale des éléments à charge et des éléments à décharge. Ca veut dire ne pas partir du principe de la culpabilité ou de l'innocence et procéder à tous les actes qui paraissent nécessaires, sans se préoccuper de savoir si ça va conforter ou fragiliser telle ou telle thèse (souvent, on ne sait d'ailleurs pas à l'avance dans quel sens ça penchera)."Obliger à faire un acte à décharge" n'a aucun sens. Sur la détention provisoire, la suppression du critère de l'ordre public ne changera statistiquement pas grand chose. Il est à ma connaissance rarement utilisé seul (je ne l'ai pour ma part jamais utilisé qu'en complément d'autres critères bien plus déterminants).Et je me permets de faire remarquer, puisque vous évoquez les actes pédophiles, que ça n'aurait pas changé grand chose à Outreau (où le problème de la détention se pose d'ailleurs beaucoup plus du point de vue de la durée que du placement initial en détention).Sur la place de la partie civile, j'ai cru comprendre que vous parlez d'expérience.Je me suis toujours efforcée d'apporter une attention particulière à l'organisation des confrontations, en faisant par exemple attendre mis en examen et partie civile dans des endroits différents, en joant sur l'ordre d'arrivée dans le bureau, la disposition des chaises etc... Encore faut-il que les locaux s'y prêtent, qu'on puisse avoir le temps (et je vous garantis qu'il en faut !) pour prendre certaines précautions.Le droit d'appel de la partie civile ne couterait certes rien financièrement (quoique...). Ca serait par contre à mon sens très couteux sur le plan des principes. La partie civile exerce l'action civile. L'action publique est exercée par le parquet au nom de la société. Accorder à la partie civile un droit d'appel sur une décision de relaxe ou d'acquittement bouleverserait cette frontière qui doit je pense rester infranchissable.Ce n'est pas un manque de considération pour la victime. La procédure pénale lui a fait une place croissante, mais je ne pense pas qu'on puisse aller plus loin en ce sens.Et aucun appel n'est abusif, notamment en matière pénale.J'ai cru comprendre que vous êtes étudiante en droit : continuez vos réflexions, demandez à faire des stages en juridiction pour les nourrir. Ce sont les regards neufs (et, ne le prenez pas comme une critique, un peu naïfs) et néanmoins techniques comme le votre qui pourront aussi contribuer à faire avancer le débat (écrit-elle, du haut de ses quelques semestres d'expérience ;-)))
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